Jean-Paul, les sonneurs et la bipolarité
- Bipol Air 22
- 12 mai
- 3 min de lecture

Jean-Paul, atteint d'une bipolarité de type 1, diagnostiqué en 1996 après 22 ans d'errance nous explique en quoi la musique l'a aidé à stabiliser durablement ses troubles bipolaires.
A ce titre, à compter de septembre, il offrira aux adhérents de Bipol'Air 22 une nouvelle activité, dont il nous parle ici : l'initiation à la musique bretonne !
"Bon pour le Moral
Vers les années 1960, j'ai entendu à Tréguier un bagad* jouer des airs émouvants repris par une assemblée de plusieurs centaines de personnes. C'était au pardon de Saint-Yves. Je me suis juré qu'un jour je ferai partie de ces sonneurs. Ce n'est pas avec eux que je fis mes premiers pas. A 17 ans je suis rentré au bagad de l'Ecole des Mécaniciens de la Flotte à Saint-Mandrier avec lequel j'ai parcouru le Sud de la France afin d'animer les festivités des (émigrés) bretons. Nous sommes allés jusqu'à Vichy, au retour un avion s'est écrasé, une trentaine de morts, plus de bagad.
Plus tard, engagé par les Sonerien da Viken* à Tréguier, ce n'est pas une vaine expression, j'ai joué lors de l'inhumation de trois copains. Moi-même je sonnerai jusqu'à mon dernier souffle.
Ce groupe m'a permis de tenir mon vœu très cher : j'ai joué à deux pardons de la Saint Yves. Avec un Pen* sonneur plusieurs fois champion de Bretagne et quelques anciens de Lann-Bihoué, on a fait un tabac.
Devant l'entrée de la cathédrale de Tréguier une dizaine d'étendards s'écartent pour nous libérer l'accès à la nef, nous entonnons une belle mélodie que nous jouons en remontant vers le chœur d'un pas chaloupé. De chaque côté l'assistance est émue, je suis fier. Arrivés au niveau du chœur nous nous disposons en demi cercle, une pause, puis nous entonnons le «Da feiz on tadou koz», air magique accompagné en chœur par l'assemblée, c'est sublime. Suit un défilé, étendards en tête, nous jouons pendant une heure avec des haltes rafraîchissantes (on est mi-mai), c'est physique !
2 sorties mémorables avec les Sonerien Da Viken : La Baule et Barr (Alsace)
La Baule, une foule tellement accueillante que j'en ai encore chaud au cœur de l'écrire : deux heures de défilé, on a épuisé notre répertoire, jouant pour des spectateurs clamant des «bis», des «hourras», des «vive la Bretagne», en stationnaire. On s'y est remis plusieurs fois, il y avait des gens partout aux balcons des immeubles, sur les trottoirs, dans la rue, perchés sur les statues, c'était fastueux, c'était épuisant, mais on était tellement contents, c'était si gratifiant !
Barr, petite ville alsacienne adossée aux Vosges, un paysage magnifique ; au départ le matin il pleut. Très vite, dès les premières notes de musique, le soleil se lève. Il y avait peu de monde, mais en quelques heures les habitants sont sortis dans les rues, tellement familiers que notre groupe ne parvient plus à avancer en formation. Alors on évolue l'un derrière l'autre, on s'entendait à peine en tant que sonneurs et surtout on n'entendait plus notre chef. On a continué à jouer, on devait quand même être synchros vu les applaudissements. Le midi, repas copieux, kugelhof, boisson à volonté, ne pas exagérer : un sonneur titubant, ce n'est pas beau.
Maintenant je joue pour Névézadur : 25 danseurs , 4 musiciens , c'est très différent car le tempo est rapide et une bonne mémoire est nécessaire. Je pense connaître une centaine d'airs de danse. C'est festif, il n'y a pas d'airs tristes. Le challenge est de jouer dans le pas : une note pour le musicien correspond à un pas pour le danseur.
Jouer de la musique m'a beaucoup aidé : le regard de gens qui vous apprécient. Ca demande du travail et de la discipline ; on peut toujours s'améliorer pour briguer plus de prestations somptueuses, on est fiers de faire plaisir et contents d'être appréciés.
Jean-Paul"
*Quelques mots de vocabulaire breton :
Bagad : groupe de sonneurs (musiciens pratiquant la musique bretonne)
Sonerien da Viken : Sonneurs pour la vie
Pen : chef
Quel bel épanouissement, bravo Jean-Paul, merci pour ce partage touchant et plein d'espoir !
Un très beau témoignage Jean-Paul. C'est important les passions dans la vie, c'est gratifiant et ça nous porte !